LA DÉCOUVERTE

Par Van Carton
8 juin 2020

Qui suis-je?

Van Carton

Van Carton est un prête-nom adopté par Guillaume Monette, connu comme auteur-compositeur (3 gars su’l sofa), cinéaste (Moulures, 2014), réalisateur (Coton ouaté, 2019) et monteur primé (Gémeaux, 2019). En d’autres mots: il joue de la musique, fait de la vidéo et c’est aussi un mordu de balados, un vrai.

Le paysage est magnifique, la vue est magnifique, mais tout ça, c’est sans besoin réel de mention. Je le savais ce qui m’attendait.

Ce à quoi je m’attendais moins, c’est comment ça allait me transformer. 

Samedi matin avant de partir vers Avignon, j’ai sauté une coche dans notre maison à Montréal, parce que y’avait des affaires partout. C’est normal j’ai 2 enfants, 20 mois et 7 ans. Chez nous après quelques jours sans ménage, chaque recoin devient un musée. 

À Montréal c’est la même affaire que j’me suis dit. Chaque recoin est un musée. 

Toute est rempli, placé, bourré. J’ai grandi dans le bois moi. Je sortais tout seul sur le terrain pis je me laissais aller à ce que mon cerveau voulait. Là, j’ai comme trop d’affaires dans mon cerveau, je le sais pu trop pourquoi, il est bougon mon cerveau. N’empêche, c’est pas le temps de l’introspection, faut paqueter les affaires pis cleaner la place parce qu’on s’en va découvrir Avignon en famille.  

Dans le char un moment donné les enfants se sont endormis, sieste en duo. Dans des moments comme ça, si je portais un chapelet, je pense que j’en caresserais les petites billes tellement j’suis ému par ce miracle. On avait un beau 45 minutes de couple devant nous. 

Alléluia.

J’ai dit à ma blonde que mon rêve en ce moment c’était de toute vendre pis de diminuer de régime. 

Acheter de quoi dans une ville plus petite, pis décrocher de toute ce que je m’impose.
Décrocher de mon surmoi tyrannique qui veut se démarquer dans la foule.
Décrocher de mes rêves d’ego.
Arrêter de payer plus de 2000 $ par mois à une banque pour me loger.
Pouvoir sortir dehors pis entendre un semblant de calme.
Voir plus loin.
Voir moins de vidanges.
Voir moins de performants en Tesla pis de malchanceux dans la misère.
Égaliser un peu tout ça.
Juste moins d’affaires en fait.

Ça fait bientôt un an qu’on parle de quitter la ville, et là le projet qu’on m’offre tombe drôlement bien dans la réflexion familiale. Je viendrai découvrir Avignon pour y faire une chanson, un clip et une série de podcasts. 

Non c’est pas l’Avignon du pont, de la chanson, c’est Avignon en Gaspésie, au Québec. Google that mon chum, tu vas te coucher moins niaiseux. 

En parlant avec les gens d’Avignon, de Gesgapegiag jusqu’à L’Ascension, j’ai saisi qu’eux ils se définissent par l’endroit où ils habitent. Le fait d’habiter où ils sont est eux. Ils connaissent tout le monde, ils en parlent, ils se chicanent, ils font des compromis, ils coopèrent, ils essaient, et surtout, ils défendent le territoire.

On sent vraiment le côté terre d’accueil de l’endroit. T’as du monde de partout. Certains arrivent d’un changement de vie, certains y vivent depuis la naissance. Rarement dans mes voyages au Québec j’ai senti autant de facilité à intégrer une communauté. Parce que je pense que les Gaspésiens de ce coin-là sont naturellement ouverts. 

Ils ont compris 3 choses :

1- Ils habitent un jardin secret, un petit paradis, mais chut!
2- La réussite de la région passe par l’ouverture. L’ouverture à l’autre et à ses idées.
3- La nature est la ressource suprême, il faut la défendre. 

Hier un gars m’a dit : « J’aime ça l’hiver ici parce que tout ralentit, t’as vraiment le temps d’être centré sur toi-même. » 

Je l’ai repris pour être certain qu’il s’était pas trompé, mais non c’est ça qu’il voulait dire. 

Dans le fond il utilise cette expression, mais dans un sens positif. Ça a pris tout le monde par surprise. Ensuite on s’est retrouvé 7-8 personnes au bar du Naufrageur, la microbrasserie. Ç’a pas été trop long que Louis-Frank le proprio me faisait sa joke d’éjecter sa jambe de bois, projectile qui traverse par surprise la salle, me faisant faire un crisse de saut! Mettons qu’après ça, le contexte était parfait pour développer de nouvelles amitiés. Ça prend ça je pense. Ça prend les rapports humains, l’amitié qui nous réchauffe. Je sens qu’ici on aime rire, on aime faire du bruit dans ce grand silence. 

Avec ma blonde, tour à tour le matin y’en a un qui reste avec les kids, et l’autre monte une partie du mont St-Joseph pour le lever du soleil. 

Ce matin c’est mon tour. 

Voir l’immensité avec le soleil levant, les chevreuils dans le champ, dispersés comme des fourmis sur le comptoir à Montréal en été, ça ramène le calme dans la famille, et dans nos têtes de parents.  

On a besoin de sortir dehors, de voir de la nature au quotidien.
C’est bon pour nous.
Pourquoi pas vivre ici?
On est au Québec, on a de la vastitude, on est tu obligés de se concentrer en motton?

Et pour les urbains anxieux, sédentaires malgré eux, pris avec un stress chronique, mais qui rêvent de reconnecter avec un sens de vie, ça pourrait-tu être un endroit pas pire? 

Chus tu en train de parler de moi là?

Mettons que t’es travailleur autonome pis que anyway toute ta job se fait en ligne, ça pourrait pas être un beau trip d’habiter ici?

Chus tu en train de parler de moi là??!

Je mets des bagages dans l’auto, quand j’entends derrière moi : « On est chanceux avec l’hiver à date! »

J’me retourne, un policier est stationné 10 mètres plus loin, pour surveiller les gens qui brûlent le stop sur la rue de la montagne, il m’a vu pis ça lui tentait de me jaser ça. 

J’ai finalement parlé une demi-heure avec lui. Toute la dynamique qu’on trouve ici est résumée juste là, à ce moment précis selon moi. On est le vendredi de notre départ, une semaine plus tôt on arrivait ici. Une semaine plus tôt, on s’installait et j’étais pris d’angoisse. J’avais l’impression qu’on n’allait pas relaxer, qu’on allait juste courir après nos kids qui eux allaient faire le bordel dans la maison que nous prêtait gratuitement Sarah.

« On est tellement niaiseux, on aurait pu rester à Montréal et prendre ça relax », que j’ai dit à ma blonde, sur un petit ton incendiaire. 

Yark! J’avais vraiment besoin de passer une semaine ici.

Sur la route du retour, je repense à ce que j’ai vu.
J’ai vu dans Avignon des gens qui voulaient vivre à leur façon, bâtir selon leurs valeurs.
Après la job, ils se baignent dans la mer.
On me dit qu’ici on sent moins la hiérarchie sociale, j’y crois.
On me dit qu’ici le rythme est plus lent, j’y crois. 

Il existe ici la possibilité de réellement vivre un peu en marge de la masse, d’avoir l’impression que les dogmes de performance sont loin, et que la loi du savoir-être domine. 

Une petite porte s’est ouverte dans mon esprit. 


Pour en savoir plus sur la découverte du territoire par Van Carton, écoute le balado Plonger dans l’immense.